De Gary, Indiana, à Michael Jackson, les entrailles d'une trajectoire vertigineuse
Je crois sincèrement qu'il faut aller à Gary une fois de sa vie, si cela est possible, autant qu'il est bien d'aller à Los Angeles marcher dans ses pas ou se recueillir à sa dernière demeure.
Cette idée ne m'était jamais apparu comme une évidence tant que je ne m'y suis pas retrouvée moi-même.
Bien sûr, le Gary de 2016 était l'ombre de celui des années 1960. Les membres de la famille qui étaient là et avec qui nous avons discuté nous ont raconté la désertion progressive de cette ville dont la plupart des habitations - surtout dans le quartier de Michael, donc à proximité de l'usine où tout le monde, y compris son père, travaillait - ont les fenêtres fermées par des planches cloutées, comme dans les films, et semblent délabrées.
Mais il faut y aller, au moins traverser la ville en voiture, pour mesurer à quel point il n'est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche. Il faut aussi et surtout se poster en face de cette minuscule maison, car elle est vraiment minuscule, pour mesurer la trajectoire qu'il a effectuée pour s'extirper de là. De ce petit trou de souris, on prend mieux la mesure des sommets qu'il a atteint. Quand on est passé, avant, à Los Angeles, ou, peut-être, quand on s'est approché de Neverland (ce qui n'a pas été mon cas, par choix), et qu'on passe à Gary, qu'on contourne, en quelques petits pas, cette maisonnette de poupée où ils vivaient si nombreux, on comprend qu'il n'a pas seulement fait quelques milliers de kilomètres vers l'Ouest, mais aussi quelques milliards de kilomètres, à la vitesse de la lumière, vers une autre galaxie.
Je suis passée à la maternité où il est née et qui ressemble à un désert. J'ai tenté d'y capter l'air, l'endroit, l'esprit...
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Je suis passée près de l'école que la fratrie fréquentait, où ils ont chanté...
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Près de l'usine et du terrain vague, juste derrière la maison...
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Moi qui suis née dans la vallée de la Fensch (Florange et Arcelor Mittal, tout le monde en a entendu parler) à une époque où l'industrie lorraine était pourtant florissante, et qui n'ai jamais pu m'y sentir ni bien, ni chez moi, il m'a semblé tout à coup que ma ville d'origine était Monaco, à côté de Gary.
Mais en voyant que, comme moi, Michael avait grandi, durant ses premières années, à côté d'une usine, je me suis dit qu'il avait dû entendre les mêmes bruits de machines qui me faisaient peur, la nuit. Ses sonneries de véhicule qui n'en finissaient pas, le bruit des cheminées qui dégazaient, l'odeur de soufre ou de coque (la seule chose que j'aimais, bizarrement), et je me suis dit que, sans le savoir, tout cela avait dû s'inscrire en lui et peut-être faire un écho en moi, dans une sphère inconsciente et reptilienne que nul ne maîtrise ni ne perçoit vraiment avec l'intelligence ou les sens.
Je ne savais pas tout cela, mais il y avait quelques étranges parallèles dans cette enfance où la musique passait avant tout, même avant l'école, où les heures de travail devaient s'aligner, se rattraper si elles n'étaient pas faites, être émargées dans des cahiers sous l'œil et la pression d'un parent qui misait tout sur vous...
Quoi qu'il en soit, en allant à Gary et en m'attendant à ce que Michael y soit naturellement célébré (comment aurait-il pu en être autrement ?), je suis tombée de haut...
A Washington, où j'allais me rendre la semaine suivante donner un cours à l'American University sur Dangerous, on allait m'expliquer que Michael était raillé par les universitaires américains qui lui préféraient Beyoncé ou Madonna. Qu'il était traité comme une marionnette, un paria, un renégat. Quelle pierre sur la tête ! Comment pouvait-on se dire scientifique et tomber, et rester surtout, dans de tels clichés et partis pris ?
Mais ce week-end là, j'allais tout d'abord apprendre que Michael était également renié à Gary.
J'ai retrouvé ce mot, que j'avais écrit à mon retour au Canada, avant Washington, parce que des débats émergeaient sur les réseaux sociaux concernant deux courtes vidéos que j'avais postées : il était question que la famille avait été contrainte d'organiser un hommage qu'elle n'avait pas envie de faire et que la présence des fans autour de la maison était un manque de respect pour la maman en deuil. Je crois que ce témoignage est encore parlant et met bien en lumière la situation, telle que je l'ai rencontrée et ressentie alors :
1er septembre 2016
"Concernant Gary, Michael et Madame Jackson...
Je ne pense pas que l'on puisse honnêtement parler de "traquage" ou de manque de respect à l'égard de Katherine, Michael ou du reste de sa famille concernant la Commémoration qu'ils ont organisée ce week-end.
Il me semble qu'il ne faudrait pas juger les choses à travers deux brefs extraits vidéo.
Madame Jackson est venue de son plein gré et a organisé ce week-end de charité de son plein gré. En mémoire de son fils et, sans doute, de la même manière qu'elle l'a accompagné tout au long de sa vie, et encore davantage dans les heures sombres et quotidiennes de ses horribles démêlés judiciaires.
Il me semble que c'est une dame qui sera dévouée à son fils jusqu'à son dernier souffle, et l'on n'y peut rien. Elle a souhaité passer quelques jours dans la maison davantage pour son fils et sa famille que se plier à toute contrainte imposée par les convenances ou le public.
Lorsqu'elle est sortie nous voir, samedi et dimanche, elle l'a fait encore une fois de son plein gré, par pure bonté, un très court instant. Elle n'a pas forcé.
D'après la famille, à l'intérieur, elle passait son temps à regarder le petit groupe que nous étions (aux grandes heures, une quinzaine de gens, tout au plus, et ça, moi, je trouve que c'est malheureux!!!).
Les bruits que l'on entend ont été momentanés, uniquement sous le coup de la surprise et de l'enthousiasme suscités par sa présence subite et inattendue devant les gens.
Pour le reste, il y a eu quelques séquences musicales, mais, je peux le dire, la plupart du temps que j'y ai passé a été un temps de recueillement. De silence. Les gens présents chuchotaient ou parlaient bas. L'ambiance était très fraternelle. Quelque chose de si apaisant se dégageait de l'endroit, même lorsque nous étions 15, que j'ai pensé à un pendant à Forest Lawn. J'ai revécu les mêmes sensations.
Je crois bien, au contraire, que la pire chose aurait été de n'avoir PERSONNE devant sa maison.
Car Gary néglige Michael Jackson. Non. Gary REJETTE Michael Jackson. On m'a expliqué que les enfants de Gary ne savent même pas qu'il est né et a grandi là, et que pour beaucoup d'adultes, lorsqu'on parle de lui, c'est tout juste s'ils ne répondent pas : "Michael, who ?"
Racisme interne à la communauté ? Jalousie ? Ce n'est pas le sujet.
Madame Jackson se bat bec et ongles avec le comité pour honorer dignement la mémoire de son fils, et elle le fait sur ses deniers et avec les dons et participations de chacun.
Aucune institution, et surtout pas la mairie de Gary, pourtant tenue par une dame noire, n'y participe et ne soutient les choses en AUCUN CAS.
Faudrait-il donc la forcer à ne rien faire, publiquement, pour son fils ? A ne pas mener son combat pour que sa mémoire perdure et soit, même, réhabilitée dans son fief ? Faudrait-il vraiment qu'elle voie son pas de porte sordidement déserté et vide, sous prétexte de "respect" ? Cela ne susciterait-il pas, justement, l'effet inverse ?
Je crois qu'il faut, comme toujours, prendre en compte le contexte pour se faire une idée, et ne pas tirer de conclusions trop hâtives sur la base de quelques images, à la manière de certains types de presses.
Je ne veux blesser personne, et moi aussi, il m'arrive de prendre les choses de manière trop sanguine et réactive, mais je ne pouvais pas ne pas vous donner davantage d'éléments, pour que vous vous fassiez, peut-être, si vous le souhaitez, une meilleure idée..."
Dans 100 ans, on découvrira qu'il approchait davantage de l'état prophétique que la case dans laquelle ils ont voulu le positionner. Après les bavardages stériles et la bêtise, il pourra être réhabiliter comme il se doit. On a toujours peur de ce qui est différent ou rayonnant. Tant pis, c'est leur problème.
Love... always ❤
Tellement triste... 😪