"Les apports artistiques de Michael Jackson : un autre regard"
Numéro réalisé sous la direction d'Isabelle Petitjean, avril 2022
Le nombre des études universitaires portant sur Michael Jackson s’est accru ces dernières années, coïncidant sans doute, tout à la fois, avec une prise de conscience de son impact au sein de l’industrie musicale, de l’Histoire de la musique et de la société, et un intérêt croissant développé à son égard par les cultural studies. Pour autant, nombre des études le concernant ciblent bien moins ses apports artistiques que des problématiques liées à sa corporalité et à son positionnement racial ou genré.
En consacrant un numéro spécial à Michael Jackson, NaKaN a voulu proposer de décaler ce regard et ce faisceau d’approches trop souvent centrées sur les sciences sociales pour générer une réflexion davantage tournée vers l’œuvre et les médiums d’expression de l’artiste, comme autant de canaux offrant une possibilité de contextualisations et d’analyses historiques et stylistiques. Les défis de cette édition ont été relevés puisqu’elle se voit nourrie de contributions qui ont su se concentrer sur l’œuvre et offrir des analyses disciplinaires ou pluridisciplinaires de la production musicale et visuelle de l’artiste, per se. Or, c’était bien là tout l’enjeu des pistes de recherche qui avaient été proposées.
Les spécialistes et universitaires qui ont répondu à l’appel de ce deuxième numéro de NaKaN sont issus d’Europe (France, Italie, Antilles) et du continent américain (Canada, États-Unis). Leurs champs d’investigation croisent des approches musicologiques, chorégraphiques, scénographiques, culturelles et sociologiques, pointant, une fois de plus, la multiplicité des lectures et des questions générées par le hiéroglyphe artistique et humain qu’était Michael Jackson. Ces études viennent enrichir la compréhension d’un patrimoine sonore et visuel autant qu’un legs qui continue d’inspirer les nouvelles générations. Elles seront, sans nul doute, une base de réflexion pour mener plus loin les recherches et nourrir l’assise académique du corpus pluridisciplinaire laissé par l’artiste.
Le premier volet de notre numéro s’intéresse à des dimensions musicologiques pures ou transdisciplinaires : Guillaume Deveney y analyse les strates compositionnelles et structurelles internes de l’œuvre de Jackson, notamment au travers d’un titre « Wanna be startin’ somethin’ », en la plaçant dans le contexte des musiques amplifiées dont elle est issue et dont la réappropriation par Jackson a impacté les artistes qui lui ont succédé. Mathilde Recly explore, au sein de trois chansons phares, la complexité de la technique vocale jacksonienne par le biais de l’identification de « personnalités » et de l’usage distinctif qu’il fait d’effets phonostylistiques, devenus des vecteurs clés de la palette expressive du chanteur. La voix est également un élément central de l’étude de Fabio Pastore, qui porte sur l’ambivalence de la figure féminine, séductrice et fascinante d’une part, source d’angoisse et de paranoïa d’autre part. Au travers d’un corpus de 5 chansons, il observe, pour ce faire, des paramètres précis de sa vocalisation (dimensions phonologiques, syntaxiques et pragmatiques) mais aussi la trame narratologique et textuelle et la mise en scène live de ces titres.
Buata Malela s’intéresse en profondeur à une pratique récurrente chez Michael Jackson, le recodage artistique par resémantisation et visualité, au travers de sa reprise emblématique de « Come together », et décrypte les modalités qui aboutissent à sa resignification au sein d’une logique qui est propre à l’artiste. Isabelle Petitjean propose une analyse musicale, textuelle et scénique de « Will you be there » afin de mettre en évidence la manière dont Jackson utilise la musique et la scène comme un espace pour convaincre et transmettre un message charismatique, à grand renfort de signalétiques sonores et iconographiques issues de la liturgie.
deuxième volet de notre numéro s’attache à la dimension visuelle de l’artiste et ouvre par une exploration chorégraphique et didactique signée par Aurélie Doignon, qui analyse le lien entre Michael Jackson, les danses de rue, le hip-hop et la danse sabar au Sénégal, et s’attache à étudier les modalités de sa transmission chorégraphique indirecte. La phénoménologie liée au succès de la carrière artistique de Michael Jackson est au cœur de l’article de Luca Izzo, qui se concentre sur la reconstitution et la démonstration de la façon dont Jackson a été inspiré non pas par les tendances dominantes, mais par son idéal d’artiste, peut-être de type « Renaissance », ainsi que par le souhait de produire une expression d’ « art total ». Enfin, sous un angle plus identitaire, Zada Johnson propose, au travers des représentations visuelles de « Remember the time », une analyse du discours afrocentrique et des commentaires sociaux sur la marginalisation raciale qui touchent, alors, notamment l’industrie du divertissement. Elizabeth Amisu, quant à elle, clôt cette édition en examinant l’interprétation et la signification transitoire de la performance de la noirceur de haut niveau de Michael Jackson, au travers de deux productions visuelles. En effet, son article s’attache à expliciter le fonctionnement de cette performance ainsi que les liens que cette dernière entretient autant avec les représentations des débuts de l’ère moderne qu’avec les notions de race et d’ethnicité.
Isabelle PETITJEAN, rédactrice en chef
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